Préjudice esthétique permanent
6 janvier 2020
Ce poste de préjudice prend en compte toutes les altérations perceptibles par la vue, l’ouie, l’odorat et le toucher après la consolidation des dommages.
La jurisprudence refuse de consacrer une quelconque exclusivité aux conséquences physiques graves, et intègre toutes les atteintes esthétiques au sein de ce poste de préjudice[1].
« Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime, notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage. Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important) ».
Ce poste de préjudice vise à réparer les altérations définitives de l’apparence physique de la victime, c’est-à-dire les atteintes persistant après la consolidation.
Ces altérations peuvent prendre la forme de cicatrices, d’une déformation, d’une modification de la posture ou de la démarche (boiterie, claudication…), de la présence d’appareillage (fauteuil roulant, déambulateur…), d’une modification de la physionomie (paralysie faciale, obésité morbide, attitude grimacière, modification de l’expressivité du visage…), modification de la présentation, des habitudes vestimentaires, de la voix et autres sens.
Décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue et leur intensité après consolidation ;
Évaluer ce préjudice sur une échelle de 1 à 7.
L’évaluation du préjudice esthétique permanent repose sur une description, réalisée par l’expert, très détaillée, des atteintes.
L’expert doit, dans le respect de la dignité de la victime, procéder à son examen clinique, et détailler les altérations.
Lors de l’examen clinique, l’expert pourra également prendre des photographies, qu’il prendra le soin de faire valider par les parties, et qui seront incorporées dans le rapport. Des enregistrements sonores et/ou visuels peuvent également être réalisés.
Leur utilisation permettra au régleur ou au magistrat « de pouvoir associer une représentation humaine à un quantum impersonnel »[2].
À partir de ces éléments, l’expert doit décrire la nature et l’ampleur du dommage.
Des photographies antérieures à l’accident peuvent permettre une perception plus juste de l’ampleur du dommage.
❖ Critères
La nature et l’ampleur tiendront compte :
o La localisation :
L’expert devra tenir compte à la fois du rapport que le blessé entretien avec lui-même et en fonction de la visibilité de la cicatrice :
· Publiques : visibles par tous qui ne peuvent être cachées : mains, visage, etc.
· Semi-publiques : visibles avec certains types d’habillements : manches courtes, shorts, maillots de bain, etc.
· Privées : visibles dans la vie intime : OGE, seins… ;
o La taille ;
o La couleur ;
o L’aspect (ex : présentation désinhibée, dyspraxie idéatoire/idéomotrice notamment pour les traumatisés crâniens ; présentation négligée notamment pour les personnes en état dépressif, etc.) ;
o Le relief des différentes altérations ;
o Les troubles comportementaux ;
o Les troubles alimentaires (variation de poids, etc.)
o Les troubles sonores (ex : aphonie, voix éraillée, bégaiement) ;
o Les troubles olfactifs (ex : incontinence, sudation) ;
o La dépendance à un matériel (ex : fauteuil roulant, ventilation, dialyse, etc.).
Ces atteintes prennent des formes très diverses : il peut s’agir de plaies permanentes, de cicatrices, de brûlures, d’hématomes, taches, pansements, de paralysies, de l’altération de l’apparence générale, de la démarche, de la modification de la voix, modification de l’odeur[3], de béquilles, de cannes, d’attelles, d’un fauteuil roulant…
Par exemple, la Cour de cassation a reconnu que des cicatrices « donnant à la peau un aspect granité » caractérisaient un préjudice esthétique donnant lieu à réparation (Cass., 2ème, 17 avril 1975, n° 73-14042).
❖ Formulation et cotation
L’évaluation se divise en deux étapes :
· Evaluation in abstracto : cotation
L’échelle de cotation de 0 à 7 est utilisée pour quantifier le préjudice.
Pour rappel : inexistant (0), très léger (1), léger (2), modéré (3), moyen (4), assez important (5), important (6), très important (7). Les demis degrés sont également admis (Exemple : léger à modéré)
Aucun seuil de gravité n’est requis pour retenir un préjudice esthétique permanent, une simple cicatrice fera l’objet d’une évaluation.
Si une intervention correctrice est possible l’expert pourra la mentionner mais les améliorations futures ne sont pas à prendre en compte pour diminuer la cotation. En effet, la victime n’est pas tenue de diminuer son préjudice dans l’intérêt du responsable (Civ., 2ème, 19 juin 2003, n° 01-13289), et elle dispose librement de son corps en respect du principe de l’intégrité physique de la personne humaine.
· Description complémentaire souhaitable des éléments in concreto
Dans la mesure où il est établi de longue date que les médecins n’évaluent ce préjudice que de façon « objective » sans prendre en compte l’âge, le sexe ou tout autre paramètre personnel, il est souhaitable que l’expert note les éléments subjectifs qui ne doivent pas figurer dans la cotation. (âge, sexe, retentissement professionnel ou personnel en rapport avec l’esthétique…)
Le regard des autres et la perception que la victime a d’elle-même peuvent figurer dans ce complément[4].
❖ exemple I :
Préjudice esthétique assez important (5/7) : amputation du genou + port intermittent de canne anglaise et boiterie après prothèse.
Appréciation complémentaire :
Mme X a 36 ans, elle était coquette et avait pour passe-temps la mode en étant blogueuse-influenceuse. Elle ne peut plus porter de talons ni de jupe et/ou robe.
Pour cela elle produit des photographies et des doléances.
❖ exemple II :
Préjudice esthétique modéré (3/7) : prise de poids importante et boiterie
Appréciation complémentaire :
M.Y a 45 ans, a toujours été sportif et soigneux de son apparence. Pour cela il produit des photographies et attestations de proches.
[1] M-C. Lagrange, Le préjudice esthétique, un poste de préjudice en évolution : Gaz. Pal., 21-22 juin 2013, n°172 à 173
[2] D. Arcadio, La photographie vaut mille mots, Gaz. Pal., 21-22 juin 2013, n°172 à 173
[3] P. Robertière, L’esthétique de l’odeur : Gaz. Pal 21-22 juin 2013, n°172 à 173
[4] M-C. Lagrange, Le préjudice esthétique, un poste de préjudice en évolution : Gaz. Pal., 21-22 juin 2013, n°172 à 173
Les autres documents ANADOC sur le préjudice esthétique permanent